Zazen n’est pas une pratique ordinaire. En fait, zazen demande une grande humilité. Humus, c’est la terre, retourner à la terre de l’esprit, retourner à l’esprit dans sa forme la plus originelle. Zazen demande de laisser passer les pensées, de ne pas s’identifier aux pensées ; les pensées sont des productions de l’esprit ou plutôt un fonctionnement particulier de l’esprit. Percevoir est une fonction de l’esprit, se souvenir est une fonction de l’esprit, accumuler du savoir est une fonction de l’esprit, penser est une fonction de l’esprit… Ce sont des fonctions de l’esprit, comme couper est la fonction du couteau. Mais ce qui est demandé en zazen, c’est de revenir à l’essence de l’esprit, à l’esprit dans sa forme originelle.

Prêter l’oreille à un son, c’est s’arrêter sur un aspect de la réalité. On peut s’arrêter sur un moment passé pour s’en souvenir. Dans ces deux cas, comme l’on a une intention, on fait obstacle à la rivière de l’esprit qui coule d’elle-même librement. En zazen, on abandonne toute intention, on ne cherche pas à fabriquer quelque chose, on revient tout simplement à l’esprit pur avec lequel on voit la réalité telle qu’elle est.

Quand on regarde l’évolution des êtres humains, l’homo erectus – celui qui se lève sur ses deux jambes, qui quitte la position animale – devient l’homo sapiens – celui qui utilise ses connaissances – puis devient par la suite sapiens sapiens – celui qui cherche à être l’égal des dieux, le maître de la Création. C’est un type de fonctionnement qui vise à obtenir, à contrôler.

En zazen, on quitte totalement ce fonctionnement, on ne s’arrête sur rien, il n’y a aucune fixité en zazen : on retourne à notre dimension première, originelle, à Bouddha – ce n’est pas ordinaire. Toutes les fonctions de l’esprit sont utilisées par ailleurs dans nos vies, mais en zazen, on fait autre chose, on va à l’essence, à ce qui est essentiel, l’existence pure, l’esprit libre de toute intention.

C’est une grande forme d’humilité de revenir à Bouddha, de considérer qu’avant d’être un être pensant, nous sommes un être vivant. S’il vous plaît, comprenez par vous-même pourquoi zazen est si important, pourquoi la racine est importante. Si la racine est forte, les branches, les feuilles, les fleurs sont belles.

Être malade de l’esprit, c’est se fixer sur un aspect et oublier les autres. Certaines personnes ne font qu’accumuler du savoir, d’autres ne font que se souvenir du passé, vivre sans cesse en cherchant la vérité dans les cendres du passé. D’autres personnes sont toujours en train d’analyser, analyser pour avoir une longueur d’avance sur les autres ou pour profiter davantage de la situation. Tout cela converge vers la folie.

Accédez à l’esprit dans sa forme originelle, accédez au sans intention, arrêtez de vouloir être le maître du monde, arrêtez de vouloir profiter de tout, d’exploiter tout. Comprenez la nécessité que notre vie soit enracinée dans l’éternité, dans la réalité, dans la vérité. C’est par humilité que l’on revient à notre dimension de Bouddha, insurpassable.

Si l’être humain, parce qu’il a de grandes capacités, se veut être le roi de la Création ou le fils aîné de la Création, il n’empêche qu’il n’est qu’un enfant de Bouddha. Sa vraie famille c’est celle de Bouddha, et en cela, il doit faire preuve d’humilité. L’arrogance est une forme de folie, vouloir tout diriger, se croire supérieur aux autres est une forme de folie. N’avoir confiance en personne, seulement en son égoïsme, est une forme de folie. Nous sommes avant tout Bouddha.


Taiun JP Faure, mai 2024

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