Maître Dôgen décrit, par ce poème,
la pratique de zazen :
La lune ronde,
Là-haut dans le ciel.
Sur le lac, immobile,
Une barque aux amarres détachées dérive,
Poussée par la brise de la nuit.
Unifier le corps et l’esprit
Si l’on n’y prend pas garde, on peut transformer la pratique de zazen en une pratique purement corporelle, purement sportive ou, au contraire, en une pratique psychologique, où l’on étudie l’esprit, on étudie les formes de l’esprit, on analyse. Zazen n’est ni une pratique purement physique, ni une pratique purement spirituelle. Maître Dôgen dit : « Il s’agit d’unifier le corps et l’esprit. »
Sans intention
Si nous pratiquons sans intention, sans être aveuglés par l’idée de profit, nous pouvons voir calmement toutes sortes de choses apparaître et disparaître devant nos yeux. À chaque instant, nous pouvons voir des pensées qui ont un lien avec notre karma, avec notre ignorance, notre avidité ou notre aversion. Si nous ne bougeons pas, nous les voyons toutes, distinctement, aucune ne nous échappe. C’est ce qu’on appelle pratiquer l’éveil : voir de nos yeux de profonde sagesse tous les aspects de la réalité, aussi bien extérieurs qu’intérieurs. C’est la pratique de zazen.
L’existence pure
La pratique de zazen, c’est goûter à l’existence pure, pure de tout commentaire, de toute avidité, de toute aversion. Cela demande d’être éveillé, d’affiner sa sensibilité, de nettoyer son esprit de toute avidité, de toute aversion.
Lâcher-prise
La pratique de zazen permet de redevenir pleinement vivant, sans s’appuyer sur notre pouvoir personnel ou sur notre savoir. Cela ne s’apprend pas à l’université. Il s’agit seulement, précisément, d’abandonner les béquilles du pouvoir, les béquilles du savoir, de lâcher prise. Juste abandonner, juste donner de tout son cœur.
Pratique de l’Éveil
Quand on pratique zazen, on pratique Bouddha, l’état éveillé, ouvert, présent au monde. Cette présence est effective quand les cinq portes des sens sont totalement ouvertes, qu’elles ne sont pas parasitées par le bruit personnel ni par le sommeil ; quand on écoute avec une oreille ouverte, vide de tout jugement ; quand on voit avec des yeux lavés de toute pensée. C’est très simple. Les cinq portes des sens peuvent accueillir toutes les informations et nous mettre en prise directe avec l’univers.
La sagesse transcendante
En zazen, le corps se déploie entre le ciel et la terre et devient conscience, de l’extrémité des pieds au sommet de la tête. Zazen permet alors à la sagesse de se manifester, la sagesse transcendante, celle qui ne s’appuie pas sur le mental, celle qui est le propre de la vie.
Esprit fluide, disponible
Pour ne pas poursuivre les pensées, les maîtres zen nous invitent à ramener notre attention sur ce qui existe, sur ce qui est profond, sur la position du corps-esprit – la tête sur les épaules, la nuque dans le prolongement du dos, poussant le ciel avec le sommet de la tête, poussant le sol avec les genoux.
Si nous voulons maintenir cette attention, cette présence au monde, nous ne pouvons pas en même temps donner suite à nos pensées. Elles apparaissent et disparaissent d’elles-mêmes. La pratique de zazen, c’est la liberté de l’esprit. Ça pense, mais nous n’intervenons pas dans ce processus. Lorsqu’on est assis en zazen, dans la condition normale du corps et de l’esprit et que nous faisons l’expérience de l’existence pure, le mental n’est pas utile. Si le mental tourne alors qu’on n’a pas besoin de lui, c’est le début de la folie. Bouddha nous invite à revenir à la condition normale de l’esprit dans sa forme originelle.
L’univers entier pratique zazen
Quand on regarde bien, on s’aperçoit que l’univers dans son ensemble ne court pas après quoi que ce soit. En fait, depuis l’éternité, l’univers, les galaxies, la lune dans le ciel, l’arbre dans la forêt, le chat dans la maison, tout pratique zazen. Nous-mêmes, ici et maintenant, nous pratiquons zazen. Nous ne faisons pas quelque chose de spécial, nous faisons seulement l’expérience de l’existence pure, pure de tout commentaire, de toute analyse, de tout point de vue. Cette expérience nous fait goûter à la réalité la plus profonde de notre vie.
La liberté inconcevable
[…] Vous restez en ce lieu avant que les commentaires ne s’élèvent, avant que la conscience discriminante ne s’agite. À partir de là, vous commencez à comprendre, à voir la vraie nature de toute chose, la nature véritable de votre esprit, de vos pensées, des attachements à vos points de vue – et vous entrevoyez une liberté inconcevable d’où vous réalisez que les nuages qui passent dans le ciel ne dérangent pas le vaste ciel. Vous comprenez que les pensées qui apparaissent et disparaissent ne dérangent pas l’esprit originel toujours clair, toujours pur. C’est comme cela que par la pratique de zazen, vous pouvez marcher sans crainte sur la vaste terre, faisant face à toutes les situations l’esprit libre, sans peur, sans attachements.